Après plusieurs décennies de doutes sur l’intérêt de l’immunothérapie pour traiter les cancers, ce mode de traitement qui consiste à stimuler notre système de défense immunitaire pour éliminer les tumeurs apparaît semaines après semaines comme le troisième pilier des traitements systémiques à côté de la chimiothérapie et des thérapies ciblées (hormonothérapies incluses). Lors du récent congrès européen d’oncologie médicale (ESMO) qui vient de se tenir à Copenhague, des résultats d’essais cliniques en immunothérapies avec des inhibiteurs de points de contrôle sont apparus très significatifs pour le traitement de nouvelles localisations telles que les cancers de la vessie et des voies-‐aéro-‐digestives supérieures. De plus et pour la première fois, l’immunothérapie ciblant PD1 a démontré sa supériorité face à la chimiothérapie classique en 1ère ligne du cancer bronchique non à petites cellules (essai Keynote 024).
Au même moment, un article paru dans un prestigieux journal scientifique, Cell Metabolism, a suscité un grand intérêt de la communauté scientifique et médicale (1), à tel point qu’un éditorial lui a été consacré dans le New England journal Medicine (2). Pourquoi un tel intérêt ? Tout simplement parce que l’étude rapportée dans Cell metabolism suggère que l’effet protecteur de l’activité physique sur le développement de cancers résulterait notamment d’une stimulation du système immunitaire. Auparavant, de nombreuses données suggèrent un bénéfice dose -‐dépendant de l’activité physique dans certains cancers tels que les cancers du côlon ou les cancers du sein post-‐ménopausiques (1). De façon plus globale, les personnes qui font le plus d’activité physique ont une mortalité par cancer diminuée de 40 % par rapport à la population générale. À l’inverse, 25 % des cas de cancers seraient dus à un excès de poids et à un style de vie sédentaire (3). Malgré les nombreux articles qui paraissent dans la presse scientifique chaque année sur activité physique et cancer, déjà 997 articles en 2016, les liens directs entre l’un et l’autre ne sont toujours pas clairement établis. Ainsi, les personnes qui ont une forte activité physique peuvent avoir d’autres habitudes de vie et de meilleurs accès aux traitements que la population générale, ce qui expliquerait leur plus faible mortalité par cancer. De plus, les mécanismes physiologiques qui relieraient activité physique et cancer sont peu connus et certainement multiples. L’activité physique diminuerait l’expression d’oncogènes, réduirait le taux d’hormones sexuelles circulantes, induirait un mécanisme de défense antioxydant et viendrait combattre différents facteurs associés avec certains cancers tels que l’adiposité, l’inflammation chronique ou la résistance à l’insuline. Un effet direct de certaines protéines relâchées par les fibres musculaires, les myokines, a aussi été décrit. Aujourd’hui, la vraie nouveauté est la description du rôle de l’activité physique dans la stimulation du système immunitaire. Certes, l’étude a été faite chez nos amies les souris mais elle demeure très inspirante. En pratique, les souris ont accepté « volontairement » de tourner pendant six semaines dans une roue ! Pas si facile de reproduire la même expérience chez l’homme sauf peut-‐être chez les spécialistes de sports extrêmes ! Chez nos souris, leur activité physique a eu pour conséquence un relargage par leurs muscles d’adrénaline et d’une cytokine importante dans le fonctionnement du système immunitaire, l’interleukine 6 (IL-‐6). Adrénaline et IL-‐6 ont provoqué la mobilisation au niveau tumoral de cellules clés dans les mécanismes de défense immunitaire, les cellules NK. Ces cellules sont les effecteurs de la réponse immune naturelle aussi appelée immunité innée. Cette immunité naturelle est la première à se développer avant que ne se mettent en place des mécanismes de défense immunitaire plus complexes. Le fait que l’activité physique provoque l’arrivée de cellules NK au niveau tumoral, tout du moins chez la souris, établit pour la toute première fois un lien mécanistique direct entre activité physique et défense immune naturelle contre les cancers.
Ceci reste bien entendu à confirmer chez l’homme. Cependant, lors du récent congrès européen d’oncologie médicale, il a été souligné que l’avenir serait à la combinaison des immunothérapies. Finalement, lorsque, à juste titre, un médecin conseille à son patient d’effectuer dans la mesure de son possible une activité physique pendant ou après son traitement, il combine peut-‐être déjà ce traitement avec une immunothérapie naturelle.
Pr Dominique Bellet
Références:
1-‐L.Pedersen, M.Idorn, G.H.Olofsson et col. Voluntary running suppresses tumor growth through epinephrine and IL-‐6 dependent NK cell mobilization and redistribution. Cell Metab. 23: 554-‐ 562, 2016
PMID: 26895752
2-‐ A.Lucia et M.Ramirez. Muscling in on cancer. N Engl J Med. 375: 892-‐ 894, 2016
PMID: 27579642
3-‐A McTiernan. Mechanisms linking physical activity with cancer. Nat Rev Cancer. 8: 205-‐211, 2008
PMID: 18235448