Le 20 décembre 2013, le magazine Science consacrait l’immunothérapie des cancers comme la percée majeure de l’année 2013 (breakthrough of the year). Ce choix était justifié par les résultats impressionnants observés chez des patients avec un mélanome métastatique traités avec des anticorps monoclonaux stimulant le système immunitaire (imabs). Ces anticorps sont classiquement dirigés contre des points de contrôle du système immunitaire tels que CTLA-4, PD-1 ou PDL1, ces molécules que les cellules cancéreuses mettent à profit pour empêcher le système immunitaire de les éliminer. Trois ans plus tard, les immunothérapies sont désormais considérées comme l’un des piliers du traitement systémique du cancer à côté de la chimiothérapie, des hormonothérapies et des thérapies ciblées (1,2). Initialement utilisées pour le traitement de mélanomes métastatiques, les imabs ont fait la preuve de leur efficacité dans plus de 15 types de cancers différents (1). En 2017, les laboratoires de recherche et l’industrie pharmaceutique font des efforts sans précédent pour développer ces immunothérapies et les quelques 1583 essais cliniques menés dans le monde dont 146 en France vont inexorablement conduire à de nouvelles indications cliniques qui vont bénéficier à un nombre de plus en plus élevé de patients.

Ces avancées spectaculaires nous offrent de passionnants défis qu’il va nous falloir progressivement relever. Ces défis, bien décrits dans une publication récente (3), seront discutés lors d’un symposium organisé en juin 2017 par l’association américaine pour la recherche sur le cancer (AACR). Un défi, a priori simple, fait l’objet d’un amical conseil des auteurs de la publication: « quelques oncologues auront besoin de retourner à leurs livres d’immunologie ». Ce conseil vaut aussi pour les spécialistes d’organe ou pour les médecins généralistes et si vous n’avez pas le temps de retourner à vos livres, Netcancer vous offre des outils simples pour trouver ou retrouver les notions indispensables à la bonne compréhension de ces immunothérapies.

Les autres défis sont plus complexes à relever. Le premier de ces défis concerne la durée et la dose optimale de ces traitements. En fait, les imabs semblent causer un nombre limité de toxicités aiguës lors du 1er cycle d’administration (en dehors des réactions anaphylactiques à l’injection). Mais si des toxicités sont rarement observées lors du premier cycle de traitement, des effets secondaires dus à l’action des imabs sur le système immunitaire (immune-related adverse effects ou irAEs) peuvent cependant survenir et doivent être rapidement traités. Or, il a été montré avec les imabs anti PD-1 ou anti PD-L1 qu’il n’y avait pas de corrélation claire entre la dose, l’efficacité et les toxicités. Il est donc difficile de choisir la dose appropriée et le schéma d’administration. Doit-on considérer les imabs comme des thérapies ciblées pour lesquelles il est important de maintenir de façon continue l’activation du système immunitaire ou doit-on considérer les imabs comme des vaccins pour lesquelles l’administration d’une première dose suivie d’un nombre limité de rappels pourrait être suffisante pour stimuler une réponse immunitaire durable ?

Un second défi concerne la conception des essais cliniques qui s’est considérablement modifiée au cours des trois dernières années, d’abord pour les thérapies ciblées puis pour les immunothérapies. Traditionnellement, les essais de phase 1 se faisaient sur quelques dizaines de patients pour déterminer la dose maximale tolérée et la dose recommandée pour l’essai de phase 2. Aujourd’hui, pour les thérapies ciblées et pour les immunothérapies des essais de phase 1-2 sont réalisés sur plusieurs centaines de patients préalablement sélectionnés. Ces essais de phase 1 élargis « contournent » la phase 2 pour tenter de déterminer à la fois la toxicité de l’immunothérapie (« ancienne » phase 1), et son efficacité (« ancienne » phase 2).

Un autre défi de taille concerne les critères de réponse radiologique des immunothérapies qui peuvent être différents des critères précédemment décrits pour les médicaments cytotoxiques (4). Ces nouveaux critères prennent en compte l’apparition de nouvelles lésions En effet, une augmentation apparente des cibles tumorales peut parfois précéder les réponses chez les patients qui reçoivent une immunothérapie, reflétant une infiltration de la tumeur par les cellules du système immunitaire avec ou sans œdème.

Le défi des prédicteurs moléculaires de réponse à l’immunothérapie est majeur : expression immunohistochimique de PDL1, signature interferon-gamma, charge mutationnelle globale, neo-antigènes spécifiques de la tumeurs sont autant de pistes actuellement testées. Si l’expression de PDL1 en immunohistochimie est le marqueur le plus avancé, sa normalisation est loin d’être acquise en routine.

Un autre défi concerne le choix le plus rationnel des combinaisons des immunothérapies entre elles. C’est la voie la plus prometteuse pour rendre immuno-sensibles les cancers fréquents actuellement complétement immuno-refractaires (cancer de la prostate, cancer du sein, cancer colorectal )

Ces différents défis sont certes difficiles. Pourtant, aucun n’est insurmontable et ils méritent tous d’être relevés avec passion et détermination.

Références

  • Burstein H J, Krilov L, Aragon-Ching J B et al. Clinical Cancer Advances 2017: Annual Report on Progress Against Cancer From the American Society of Clinical Oncology. J Clin Oncol 2017; DOI: 10.1200/JCO.2016.71.5292
  • Lin J J, Shaw S T. Raising the bar on first-line immunotherapy in lung cancer. Lancet Oncol 2017; 18: 2-3
  • Marabelle A, Routy B, Michels J et al. Prime time for immune-checkpoint targeted therapy at ASCO 2015. Oncoimmunology 2015
  • Postel-Vinay S, Aspelag S, Lanoy E et al. Challenges of phase 1 clinical trials evaluating immune checkpoint-targeted antibodies. Ann Oncol 2016; 2: 214-24
  • Wolchok JD, Hoos A, O’Day S et al. Guidelines for the evaluation of immune therapy activity in solid tumors: immune-related response criteria. Clin Cancer Res 2009; 15: 7412–20.